dimanche 30 novembre 2014

dolcy 5

betailliere-roulant-dans-la-nature-copie-1.jpgRevenons à nos moutons ...Suite des textes des 10 et 15 octobre ; 1 et 7 novembre....
Ce jour là ,la première brebis avait décidé d'organiser une fête. Tout le troupeau était mobilisé. Les uns pour constituer une chorale, les autres pour interpréter une pitrerie intitulée «L'histoire du mandarin et de la mandarine » . D'autres encore s'apprêtaient à gigoter (c'est pourtant un mot que l'on n'aime pas chez les moutons) sur un rythme à la mode appelé « la danse des moutons »,une espèce de zumba ridiculisant l'antique « danse des canards ».
Jusque tard dans la nuit les farandoles ont succédé aux cabrioles cadencées par le tambourin du berger qui participait aux réjouissances à sa manière. Une fois les derniers bêlements enfouis dans la nuit il ne restait que la lune pour veiller. Et la lune, chacun le sait, est économe de lumière. Personne, ni les chiens ni le berger, ne vit donc venir le prédateur.
Ce n'est que le lendemain que la colère put éclater. La douce Paméla, une des préférées du berger avait été égorgée ! Les chiens étaient penauds , conscients qu'ils n'avaient pas rempli leur mission.
Dans la journée qui a suivi, alors que nous étions encore sous le choc de ce crime, une énorme bétaillère avec remorque vint stationner près de notre herbage. La rumeur se répandit qu'une partie d'entre nous partirait vers les pâturages du Nord au climat inhospitalier. C'est ainsi que je me suis retrouvé avec une cinquantaine de mes congénères dans ce grand camion. Certains étaient tout excités par ce voyage, d'autres trouvaient curieux que Bélier 1er notre roi ne fût pas parmi nous.Mais n'est-ce pas dans la nature des généraux d'opérette et des nababs, pensai-je, de tirer à eux les honneurs et de se dérober à leur devoir ?
Le camion qui nous emmena roulait à vive allure dans la campagne et ne s'arrêta qu'une seule fois . Nous n'eûmes pas l'autorisation de descendre . L'inquiétude sur notre sort gagnait et les critiques sur l'absence de Bélier 1er, de sa première brebis et d'un certain nombre de ses courtisans m'obligèrent à rappeler une fois encore que « même s'ils existent , les titres ,les pouvoirs et les privilèges ne constituent pas la valeur des êtres vivants, qu'ils soient hommes ou moutons .L'essentiel , répétai-je ,est d'être et non être ceci ou cela ." Et je leur rappelais cette belle idée de Mon Petit Prince que "notre devoir est d'être une lumière pour nous-même et pour les autres".
Je tentais ainsi, tant bien que mal, de maintenir le moral de tous mais certaines brebis s'évertuaient à le saper. Elles affirmaient avoir entendu dire que les hommes ,-comme les loups mais d'une autre manière- ,tuaient les moutons !
Un procès en génocide ovin s'ouvrit donc . Tous défendaient leur race , accusant les hommes d'aujourd'hui d'hypocrisie car « ils condamnent les crimes contre les êtres humains mais ne blâment même pas les crimes contre les ovins ! » Certains rappelaient que les Grecs, les Romains et bien d'autres peuples nous respectaient davantage et condamnaient des animaux moins nobles : les poules ou les cochons par exemple. D'autres plus intransigeants exigeaient que ces hommes si « humains !» se séparassent d'abord de leurs chiens et de leurs chats ou de leur canari tant chéris !
Quand le camion reprit la route une étrange angoisse étreignait chacun et chacune ...

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