lundi 8 décembre 2014

DOLCY 6

Même Dody, surnommé « le bouc en train » restait songeur et n'osait plus proposer photo-copie-1.JPG une de ses devinettes éculées du genre « pourquoi les moutons ne rétrécissent -ils pas quand il pleut ? ».
Les villes et les villages défilaient : Moulins,Nevers,Troyes,Epernay,Laon, St-Quentin...jusqu'à notre arrivée dans un paysage semblable à celui que nous avions quitté : un immense terrain couvert de quelques hangars qui s'appelait "B .A.103" si j'en crois ce que j'ai entendu quand le conducteur de la bétaillère a demandé sa route à un autochtone. Nous n'étions pas seuls ! A vue de museau nous étions un millier, serrés comme des sardines, façon de parler.

Je n'ai pas eu le temps de m'adapter à mon nouvel environnement . Dès le le lendemain un homme et un garçonnet se frayèrent un passage parmi les toisons blanches . En me montrant l'enfant dit « Celui là » !. Je n'eus pas le temps non plus de dire au revoir à mes amis que déjà on me couchait sur le flanc sans ménagement , on me liait les pattes avant de me déposer dans le noir du coffre d'une voiture. Deux heures plus tard l'homme coupa les liens qui m'entravaient. Je restais alors seul dans une pièce avec pour seule visite celle du petit garçon dont j'appris qu'il se prénommait Enzo.
Enzo m'apportait à boire, me caressait et m'embrassait sur le front avant de me quitter. Nous ne pouvions pas nous parler, bien sûr, mais nos regards et ses gestes nous liaient déjà dans une petite complicité. Au deuxième ou troisième jour, alors qu'il n'y avait personne d'autres que nous, il ouvrit la porte de ma prison et m'invita à faire quelques pas dans les pièces voisines. Je compris que j'étais dans un appartement. Quelle différence avec les grands espaces que j'avais connus ! Le lendemain, sans doute grâce à l'intervention de mon petit ami, on me laissa me déplacer d'une pièce à l'autre.
Chacun s'habituait à ma présence sauf le grand frère qui répétait souvent « Ah, qu'il pue celui là! » Un jour il ajouta même d'un air méchant « Vivement qu'on s'en débarrasse ! ». J'ai tout de suite compris le sort qu'on me réservait. En me tournant vers Enzo j'ai lu dans ses yeux la désapprobation,l'impuissance et la résignation. Est-ce-ce cette désespérance qui me poussa à agir aussi vite? Sans réfléchir, je pris mon élan et, m'appuyant sur la chaise qui se trouvait près de la fenêtre ouverte , je sautai dans le vide !

La suite, vous la connaissez puisque la presse a relaté mon saut miraculeux . Tomber du cinquième étage sans même une patte cassée ,passe encore pour un chat mais pour un mouton c'est inimaginable n'est-ce-pas ?Inutile de vous dire que dans l'immeuble, dans le quartier, tout le monde parlait de moi...
coupure de presse : Voix du Nord 5 octobre 2014

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