vendredi 7 novembre 2014

DOLCY 4

Suite des articles parus les 10 et 15 octobre et 1 novembre….............
Contrairement à ce que l'on pense,la vie à l'intérieur d'un troupeau n'est pas monotone. Comme chez les grandes personnes ,aurait dit mon Petit Prince ,on découvre tous les caractères: les généreux,les maniaques, les bons, les brutes, les jaloux, les aigris, les ambitieux. Pendant des mois je les ai observés. J'ai découvert un philosophe que ses congénères appelaient Socrate, un autre qui se faisait appeler Johnny en prétendant que son bêlement était rocailleux. Les surnoms étaient nombreux:la brebis broute ma chère prenait un accent précieux et parlait avec une bouche en cul de poule . Un petit gros était affublé du délicieux sobriquet de Broutin gourmand.
La vie était rythmée par trois moments forts : l'agnelage d'abord qui était prétexte à une belle fête. On entourait les mamans et on défilait devant les nouveau-nés même si les hommes nous repoussaient parfois rudement pour s'approprier notre progéniture.Les deux autres moments Pâques et l'Aïd nous rendaient tous nerveux puis nous plongeaient dans la peine et la tristesse.Nous étions dans l'angoisse de savoir qui serait désigné comme la victime des hommes. Depuis la nuit des temps en effet tous les moutons se transmettent le récit du crime d'Abraham qui a sacrifié l'un de nous pour sauver son fils Isaac.Personne ne croit à l'intervention divine dans cette affaire ! Pour toutes les générations de moutons,Abraham est un assassin et certaines fêtes chrétiennes , juives et musulmanes sont pour nous des holocaustes . Très vite mes amis m'ont donné un statut spécial. Combien de fois n'ai-je pas entendu « tu n'es pas comme nous ! ». C'est vrai que lorsque je leur racontais ma vie au désert,les légendes du Sahara, mon amitié avec le Petit Prince ou lorsque je leur parlais de la vie des étoiles et des planètes ils m'écoutaient bouche bée.
Souvent je profitais du crédit qu'ils m'accordaient pour les inciter à s'interroger sur leur condition.Je leur disais qu'ils donnaient d'eux mêmes une image peu flatteuse. On vous voit trop souvent agglutinés, tête baissée.,en signe de soumission . Et cette réputation de « moutons de Panurge » , ajoutais-je, ne vous valorise pas. Vous seriez capables de vous jeter tous à l'eau sans savoir nager si Bélier 1er sautait dans un lac.
Vous êtes responsables ! leur disais-je. Responsables de vous même, responsables des autres et responsables chacun d'une partie du troupeau .
Quand ils arrivaient à l'oreille de Bélier 1er et de la Première Brebis mes propos déplaisaient beaucoup. Pour qui se prend-il celui là pour oser troubler l'ordre établi et contester notre suprématie ? répétaient-ils à l'envi.
Ces dénigrements mis à part, ma vie de mouton étranger me plaisait. J'étais bien intégré, respecté et utile, je crois. Pourtant, chaque fois qu'un avion nous survolait je ressentais de la nostalgie : que devenait mon Petit Prince ? Je n'arrivais pas à communiquer avec lui.
Ainsi se passèrent plusieurs années jusqu'au jour où..

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